9 mois ou presque que bébé s’est installé au creux de toi. 9 mois que tu imagines les traits de son visage, la couleur de ses cheveux, l’adorable forme de ses minuscules pieds.
Et voilà, on y est, c’est le jour J. Le moment tant attendu de la rencontre avec bébé. Après 10h de travail (parfois bien moins ou bien plus !), ton corps vient enfin de donner l’ultime poussée qui fait glisser le corps de ton bébé hors du tien.
Voilà bébé projeté dans un monde totalement différent.
Un monde sonore où l’air n’adoucit plus les bruits et n’assourdit plus les voix.
Un monde lumineux qui agresse les yeux et enjoint à les garder fermés.
Un monde froid et sec qui oblige à supporter des vêtements ou une couverture qui agresse cette peau jusqu’ici touchée, câlinée et massée par les douces parois de l’utérus et du placenta.
Un monde de contact physique presque violent pour ce petit être qui n’a encore jamais été touché par autre chose que le corps de sa mère. Voici que des mains froides, étrangères et gantées de latex de surcroît se mettent à le frotter, à le stimuler, à l’habiller.
Un monde où la gravité écrase le corps si petit. Et le laisse quasiment incapable de juste mettre sa main à la bouche comme il le faisait dans le ventre de sa mère.
Un monde de sensations inconnues tantôt agréables (hum, la peau de maman ou papa !), tantôt franchement douloureuses (sympa la prise de sang !) qui déstabilisent et insécurisent.
Cette rencontre tant attendue devrait être chérie comme le plus beau des trésors et les conditions dans lesquelles nous accueillons nos bébés devraient presque systématiquement être revues et adaptées afin de laisser l’alchimie du moment avoir lieu et même la favoriser.
Alors que l’on sait maintenant les enjeux de cette rencontre dans la création du lien d’attachement entre la mère et son bébé, ne pourrait-on pas prendre quelques mesures simples mais ô combien profitables à tous ?
Tout comme je prône le moins d’interventions possibles pendant le travail de la naissance et la création d’un environnement intime, chaleureux et respectueux du rythme et des besoins de la femme qui accouche; je prône très logiquement la mise en place d’un environnement favorable à un accueil doux, respectueux du rythme et des besoins de bébé.
Il semble facile de pouvoir avoir la main sur son environnement lorsque la femme a choisi de donner naissance à son domicile ou en maison de naissance. Pourtant de simples gestes peuvent permettre de proposer un environnement accueillant pour bébé en salle de naissance en maternité.
Reprenons ensemble un par un tous les éléments cités précédemment et voyons quelles améliorations nous pourrions y apporter. Gardons bien en tête que tout ceci n’est valable que si bébé et maman vont bien, bien entendu.
- l'environnement sonore : voilà un élément que l'on peut maitriser facilement ! Et si on accueillait nos bébés dans des salles de naissance où le personnel chuchote ou parle à voix basse ? C'est d'ailleurs aussi une excellente alternative pour la femme qui accouche puisqu'on favorise la création de cette bulle dont elle a tant besoin pour se concentrer sur ce qui se passe dans son corps.
- l'environnement lumineux : là aussi, rien de sorcier dans le fait de limiter les éclairages de la salle de naissance voire même de les remplacer par des éclairages tamisés comme un éclairage d'appoint, une veilleuse ou des bougies électriques.
- l'environnement thermique : il est évident qu'il sera compliqué (ni économique ni écologique non plus) de chauffer la salle de naissance à 37° surtout si on souhaite y ajouter en plus un gros pourcentage d'humidité ! Plusieurs solutions existent cependant. Accoucher dans l'eau est une solution qui élimine ce problème du choc thermique. Bébé va vivre sa transition, entre le monde aquatique et le monde aérien, au chaud dans l'eau tout en bénéficiant en plus de la chaleur du corps de sa mère. Le top du top ! Malheureusement, il n'est pas possible d'accoucher dans l'eau dans toutes les maternités. Le fameux peau-à-peau permet lui aussi de stabiliser la température de bébé. Peau-à-peau qui n'a pas à se limiter juste aux 2 heures en salle de naissance mais aussi longtemps que les parents le souhaiteront.
- l'environnement humain : combien de mains vont manipuler ce bébé, le frotter, lui donner le bain, l'habiller, lui donner les premiers soins ? Or ce bébé ne devrait être touché que par les mains de sa mère et du co-parent. Et eux-seuls. Les premiers soins, le bain et même l'habillage peuvent attendre sans problème si bébé va bien. Et même s'ils devaient être faits, ils devraient être faits par les parents ou à minima dans leurs bras.
- la gravité : alors là, je l'admets, elle va être difficile à minimiser (sauf dans le bain) ! Bébé va devoir apprendre à composer avec elle. Pourtant, on peut faciliter la transition de bébé en le prenant dans les bras ou en le posant dans son lit en position regroupée (position qu'il adopte le plus souvent naturellement d'ailleurs). Le bébé pourra ainsi porter ses mains à la bouche plus facilement s'il en ressent le besoin.
- les sensations : là aussi, il est possible d'influer sur les sensations perçues par le bébé. Comme nous l'avons vu précédemment, il est tout à fait possible de reporter les soins à donner à bébé (qui sont en plus donnés par une personne étrangère à bébé et peuvent générer du stress). La pesée, la mesure de la taille, l'habillage, l'administration d'un collyre antibiotique dans les yeux et la vitamine K ne sont en rien urgent et peuvent même interférer dans la qualité de la rencontre. Comment en effet échanger un regard intense avec son bébé si ce dernier à dans les yeux une pommade antibiotique qui rend sa vision floue ? Offrons plutôt à cet enfant qui vient de naître un environnement calme, doux et chaud comme le corps de sa mère ou les bras de son père, le tout dans une pièce semi-obscure, sans allées et venues qui pourraient troubler ce moment intime et puissant.
Autre élément qui n’a pas été cité auparavant : le temps.
Il est pourtant au centre de cette magnifique rencontre.
Et si nous nous offrions le temps de nous approprier cette rencontre ? Le temps de la vivre intensément ?
Tout d’abord, offrons à la mère qui vient d’accoucher le temps de revenir du monde où elle était partie pour donner naissance en toute puissance. Laissons-là revenir à son rythme et découvrir son bébé à sa façon. Qu’elle le regarde, qu’elle le touche, qu’elle le sente, qu’elle le lèche ou qu’elle le prenne dans ses bras au moment où elle se sentira prête. Et non quand on lui imposera sous prétexte de devoir quitter la chambre rapidement ou de faire les soins à son bébé.
Offrons à cet enfant le temps de vivre cette transition en douceur. Laissons-lui le temps de respirer quand il se sentira prêt (et non parce que le cordon a été coupé brutalement et rapidement). Laissons-lui le temps de découvrir ce flot de nouvelles sensations. Laissons-lui le temps d’échanger un intense premier regard avec sa mère. Laissons-lui le temps de se blottir sur le corps de sa mère pour partager sa chaleur. Laissons-lui le temps de ramper jusqu’au sein, de goûter la texture du mamelon puis de le prendre en bouche et se mettre à téter spontanément.
Laissons le temps au co-parent de regarder cet enfant, de le toucher, de le sentir, de le prendre dans ses bras et de découvrir l’intensité de son regard.
Laissons-nous le temps de naître parent dans la douceur, le respect et l’amour.
Offrons à nos bébés le plus beau des accueils, celui qui respecte ce petit homme, ce futur adulte doué d’intelligence et d’émotions.