La maternité relève-t-elle du domaine publique ?

Ouh là là, tu es en train de te dire mais qu’est-ce qu’elle nous raconte aujourd’hui ! C’est quoi ce sujet ! Non, ce n’est pas le sujet du bac de philo 2023 !

Pas de panique ! Cela paraît ardu de prime abord alors que pas du tout !

Je te plante le décor….

Une femme enceinte se promène dans la rue. Son ventre est bien visible, on ne peut pas ignorer son état. Sur le trottoir d’en face, elle croise une vague connaissance qu’elle n’a pas vu depuis des mois. Cette connaissance traverse pour la saluer, la félicite pour sa grossesse et quasiment automatiquement pose la main sur son ventre.

Cette main intrusive...

Quid du consentement ?

Nulle demande de permission pour toucher le ventre de cette femme enceinte. Rien. Juste une main plaquée d’autorité sur le ventre, parfois sans ménagement.

Te viendrait-il à l’idée d’aller toucher le ventre (ou n’importe quelle autre partie du corps d’ailleurs) d’une femme qui n’est pas enceinte ? Non car cela serait considéré comme hautement intrusif voire carrément déplacé.

Pourquoi le faire alors à une femme enceinte ?

Est-ce parce que ce ventre pointe insolemment au delà du bout des chaussures de la femme enceinte ? Dans ce cas, tous les hommes quelque peu ventripotents devraient se voir caresser le ventre par n’importe quelle connaissance. Or ce n’est pas le cas.

Est-ce parce qu’il y a un bébé à l’intérieur de ce corps de femme ?

Mais alors cela signifierait que le corps d’une femme enceinte ne lui appartient plus pendant toute la durée de sa grossesse ? Ah je crois que l’on tient une piste !

De là à imaginer que la maternité relève du domaine publique il n’y a pas loin !

Allons encore plus loin si tu le veux bien.

femme tenant sont ventre avec une main et de l autre faisant stop

Ces soins médicaux imposés plus ou moins délicatement...

Notre femme enceinte est cette fois-ci dans un cabinet médical où elle a un rendez-vous avec son gynécologue ou sa sage-femme pour le suivi de sa grossesse. 

Lors du précédent rendez-vous, elle a signalé que les touchers du col de l’utérus lui étaient extrêmement douloureux et que donc elle n’en voulait plus. Plutôt que de tenir compte de sa légitime requête, elle aura juste droit à un « Mais non, le col ça ne peut pas faire mal » suivi d’un toucher du col brutal qui lui entrainera des douleurs pendant plusieurs jours.

Une fois encore qu’en est-il de la notion de consentement ? Aucune trace. Tout comme la notion de prise en compte de la sensibilité de la patiente et de son droit de disposer de son corps comme elle le souhaite.

Et je ne parle même pas des pressions mises sur les femmes enceintes au moment de leur accouchement pour accepter péridurale, déclenchement et autres joyeusetés dont on n’a parfois même pas pris le temps de leur présenter les bénéfices et les risques. N’oublions pas qu’il y a des protocoles à respecter…avant toute autre chose.

Mais alors, le corps de la femme enceinte appartient-il au corps médical ?

Ces conseils et jugements non sollicités...

Notre femme enceinte (décidément, rien ne lui est épargné ! Et après il faut qu’elle arrive à vivre une grossesse sereine, zen et merveilleuse !) est cette fois-ci dans une soirée avec sa famille et des amis.

Alors qu’elle souhaitait juste prendre un peu de bon temps, la voilà abreuvée de conseils en tous genres, des plus loufoques aux plus atroces.

Comment elle doit vivre sa grossesse, choisir d’accoucher (et surtout prendre une péridurale !), allaiter son bébé mais pas trop longtemps parce qu’après ça devient malsain, être la plus épanouie des femmes grâce à son rôle de mère, surtout ne pas donner de tétine, mettre bébé dormir dans son lit direct sinon c’est lui qui fera la loi à la maison, donner une tétine (euh…..), ne pas lever les bras pour étendre son linge sinon le cordon du bébé va s’enrouler autour de son cou (si, si, conseil 100% entendu !), prendre la pilule après son accouchement pour reprendre les galipettes très vite etc.

Un déluge de conseils, ou plutôt d’injonctions, tous plus contradictoires les uns que les autres, complètement délirants.

Le fait d’être enceinte apparemment permet à quiconque passe dans le coin de donner son petit conseil où même de s’autoriser une intrusion dans un domaine qui par nature relève de l’intime.

La grossesse appartient-elle à la sphère familiale et amicale vu que tout le monde semble avoir son mot à dire sur ce sujet ?

La maternité, tout comme la paternité, relève de l'individu

La grossesse se passe dans le corps de la femme. Donc par définition, cette grossesse est personnelle, intime. Cela semble évident pourtant tous les exemples cités précédemment nous montrent à quel point cette vérité doit être redite.

La grossesse appartient à la femme qui la vit. Elle est à même de faire ses choix pour elle comme pour son enfant à naître. Que ces choix soient approuvés ou non par l’entourage, les amis ou la famille. Bien évidemment, je n’oublie pas le co-parent qui a un rôle crucial mais qui une fois encore ne vit pas cette grossesse et ne devrait donc pas prendre des décisions pour la femme enceinte et à la place de la femme enceinte (et ceci est valable pour le corps médical, pour la famille, les amis et l’entourage au sens large).

Tout comme la grossesse appartient à la femme enceinte, l’accouchement appartient à la femme qui met au monde. Et là-dessus, tout le monde va me dire, ben oui évidemment ! Pourquoi alors entend-t-on encore aujourd’hui que c’est le médecin qui accouche la femme ? N’est-ce pas là aussi une façon de déposséder la femme de cette puissance qu’est celle de l’enfantement ?

C’est le corps de la femme qui donne naissance. Aucun médecin, aucune machine ne peut accoucher une femme ! Quand bien même elle donnerait le jour à son enfant par césarienne.

Aucune femme ne devrait se voir imposer des choix (qui de fait ne sont plus des choix). Elle devrait pouvoir accoucher comme elle le souhaite et cela suppose alors que l’on tienne compte de ses besoins, de sa voix. Elle devrait pouvoir donner le jour dans la position qu’elle souhaite, dans l’eau ou à 4 pattes par terre, avec ou sans péridurale, sans contrainte de temps et de logique de rentabilité.

Elle devrait pouvoir choisir la couleur qu’elle souhaite donner à sa maternité (parfois rose, parfois grise, parfois un peu des 2…il y a tant de couleurs possibles !) sans se sentir jugée, critiquée, rabaissée et enfoncée. Et c’est exactement la même chose pour la paternité. Sauf que si on y regarde de plus près, on s’aperçoit que les hommes sont bien moins jugées que les femmes. Mais bon, c’est un autre sujet.

Rendons aux femmes ce qui leur appartient de fait. Leurs corps, leurs grossesses, leurs accouchements, leurs choix et leurs droits.

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